Texte initial
C’est au port de la Tour de Peilz qu’à la fin d’une journée baignée de soleil, un navigateur genevois amarra son bateau le temps d’une nuit. Quelques autochtones habitués du lieu le regardèrent réparer sa voile abîmée.
La météo ayant annoncé un orage pour la soirée, le garde port attentif avertit les visiteurs leur conseillant de bien contrôler leurs amarres. Le soleil se coucha et l’orage dévia de sa route pour éclater en direction de Fribourg.
RÂLEUR
Ce port de la Tour, quel bordel ! En plus de tous ces promeneurs qui n’ont rien à y faire et qui laissent gueuler leurs enfants, y en a marre des journées où on crève de chaud.
Et qu’est-ce que je te disais, voilà encore un bateau genevois qui viens encombrer le port. Et t’as vu comment il s’amarre ! Nul ! En plus, il faut qu’il vienne chez nous pour réparer sa voile… et réparer… tu parles, un bricoleur !
Une fois de plus la météo nous prédit un orage. Que des mauvaises nouvelles ! Regarde le garde port, au lieu de s’occuper du bon ordre du port, il va discuter avec les visiteurs. Et la météo qui nous annonçait un orage s’est encore trompée.
Il a éclaté chez ces abrutis de fribourgeois.
RACISTE
On n’est plus chez nous au port de la Tour. Il n’ y aura bientôt plus que des français pour s’y promener. Et en plus ils trainent derrière eux des enfants frisés qui parlent une langue qu’on ne comprend pas. Le soleil se couche derrière le Jura, encore chez des pays étrangers.
Alors là, vous ne me croirez pas : un bateau immatriculé GE vient s’amarrer, il ne pourrait pas rester chez lui ? Je note en passant que la coque a été fabriquée en Hongrie, je ne fais que noter… Et le voilà qui se croit chez lui et se met à réparer sa voile, je vous le donne en mille, elle a été achetée en Chine. La météo internationale, on y parle anglais, annonce un orage. Il paraît qu’il vient du Nord… Encore heureux que ce ne soit pas la pluie du désert ! Le garde-port, sois disant vaudois – plutôt valaisan à entendre son accent – Je n’ai rien contre les valaisans mais tout de même…- au lieu de s’occuper des autochtones, va aider le bateau étranger.
Une fois de plus, si la météo s’occupait plus de nous que des américains, elle aurait averti les fribourgeois que l’orage éclaterait chez eux. (Entre nous, on a eu récemment un moniteur fribourgeois, quel désastre !)
PERFECTIONNISTE
Dans le port de la Tour, bijou de l’architecture portuaire, un bateau s’amarra. Je vis tout de suite que le mât alu eloxé présentait une quête trop importante, par contre les dix mètres de coque avaient certainement été polishés récemment. Des promeneurs habillés avec élégance regardaient mon bateau rutilant de quarante heures de dur labeur. Les dernières petites raies ne sont parties qu’avec un polish spécial.
Sa voile légèrement déchirée, le capitaine a tenté de la réparer mais le travail était loin d’être parfait.
Mon nouvel IPhone très utile pour mesurer les temps de séchage de ma peinture, m’annonça un orage.
Pour éviter de rayer le franc bord, le garde port prêta un pare-battage au navigateur. L’orage passé, j’ai pu sécher mon bateau car les gouttes laissent des marques indésirables.
PRECIS
Tour de Peilz, le port, 345m d’altitude, situé entre Vevey, 15000 habitants et Montreux, ville du festival de jazz. J’ai compté 48 promeneurs, 28 hommes, 12 femmes, quelques enfants entre 5 et 12 ans.
A 13h45 précises, entre dans le port le 6ème bateau visiteur de la journée. Son bateau un Jeaneau 345 acheté en novembre de l’année dernière chez Casanova. Coque blanche ceinturée d’un gallon bleu roi, un spi rouge et blanc « Gauthier »
Il s’amarra à la place N°6 sous l’œil bienveillant de Raphaël, le garde port, un homme de 30 ans et demi, 1m78, musclé.
Le visiteur se mit à réparer un accroc à sa voile d’avant, un foc inter latté un peu fatigué.- le dernier lui ayant couté 2000FR on peut comprendre qu’il le répare-
La météo annonça une perturbation à 988 HP, ceci à 18H. L’occasion de vérifier l’état du bout d’amarrage. L’anticyclone des Açores aidant, l’orage dévia vers le canton de Fribourg, canton bilingue et dont les vaches noires donnent le même lait que les blanches. Dimanche 14h pile, avertissement, 5 minutes puis coup de canon à 2 minutes, parcours banane.
OPTIMISTE
Que le port de la Tour est joli ! Vous pouvez l’admirer un soir au soleil couchant, merveille de la nature. Et que vois-je ? Un magnifique yacht vient s’y réfugier, le temps de passer une merveilleuse nuit bercé du chant des grenouilles et des jeunes devisant gaiement sur le quai.
Le capitaine, un homme élégant nonobstant sportif, se mit à réparer une voile probablement légèrement abîmée. Quel beau travail ! Quoi de plus merveilleux après une journée rayonnante de soleil que d’assister à l’arrivée d’un orage.
Le jeune et fringant garde port en gentleman accompli conseilla au navigateur de contrôler l’amarrage. Quelle manifestation d’altruisme ! Nous fûmes tous émerveillés d’assister au changement de direction de l’orage qui laissa la place à un bouleversant arc-en-ciel. Quelle chance nous avons d’être humains. N’oubliez pas la régate des optimistes au mois de juin !
REGATIER
Dans le port de la Tour, 300 bateaux mais seulement 13 coursiers. Peu de promeneurs savent apprécier la différence entre un bateau banal et un coursier.
Bord de près suivi d’un empannage un rien raté, un 38 pieds, gréement lac, s’est présenté à une place d’amarrage.
Pour la promenade, peut-être mais je n’imagine pas ce bateau dans des régates sérieuses.
Le skipper se mit à réparer un reaching dacron 28gr, la voile ne sera plus aussi performante.
Le garde port, ancien N°1 de la route du trône, lança un bout au marin en panne. Une rais tout à coup laissa présager un orage souvent accompagné de rafales difficiles à négocier sous spi. Et bientôt je me prépare pour la semaine du soir, j’espère que j’aurai enfin des adversaires de taille !
LE VANTARD
Moi, je suis très connu au port de la Tour. Sans mentir, je suis le meilleur navigateur du coin. Les promeneurs et leurs enfants me regardent avec admiration.
Un bateau arriva pour s’amarrer, je me souviens l’avoir battu lors d’une grande régate.
Le capitaine se mit à réparer une voile. J’en ai réparé des voiles, moi, et sûrement mieux que lui.
Comme je l’avais prévu, la météo a annoncé un gros orage.
Le garde port m’a demandé s’il était utile d’avertir le visiteur qu’il devait contrôler son amarrage. Il sait qu’il peut tout me demander, je sais.
J’ai tout de même ajouté que le dit orage allait certainement être dévié vers Fribourg. Je suis aussi un peu météorologue.
Si vous me demandez, je vous raconterai toutes les régates remportées avec panache, je suis le meilleur.
GENTIL – GENTIL
J’aime beaucoup le port de la Tour. Pleins de gentils gens s’y promènent avec de beaux enfants sages.
L’autre jour j’ai vu un magnifique voilier entrer dans le port et le monsieur qui barrait a poliment demandé au garde port – un adorable trentenaire – s’il pouvait réparer sa voile au tissus chatoyant.
Un voisin charmant m’a proposé de me mettre à l’abri parce que un orage allait probablement éclater. Il a même mis ses bras autour de ma taille pour que je n’aie pas froid. Quelle belle attention. Lorsqu’il m’a embrassé, j’étais un peu gêné mais je l’ai laissé faire car il devait manquer de tendresse.
L’orage a passé et il m’a proposé de boire un sirop chez lui. Malheureusement je ne pouvais pas car j’avais une rencontre de bienfaisance avec des amis chrétiens. Je l’ai beaucoup remercié.
PASSEISTE
J’ai une photo du port de la Tour en 1935. Qu’il était beau. On y voit un yacht tout d’acajou et voilé de coton y entrer pour passer la nuit à l’abri. Tout ceci est bien terminé. Aujourd’hui, des bateaux de plastique ont remplacés les vrais bateaux.
L’ancien garde port est accidentellement décédé il y a 20 ans. C’est un jeune sans expérience qui a aidé le marin à amarrer son bateau.
De mon temps, on n’avait pas besoin d’un garde port pour s’amarrer. La météo a annoncé un orage, Croyez-vous qu’il nous fallait une météo pour prévoir le temps ? Rien de tout cela, un marin sentait et prévoyait le temps. Et si l’orage se détournait vers Fribourg, c’était vers la vieille ville.
Non ! Vraiment la décadence de la marine des temps moderne me chagrine, c’était tellement mieux, avant. Je vous conseille la régate des vieux bateaux, c’est bientôt. Ca c’est de la voile !
MATERIALISTE
On a crée une nouvelle estacade dans le port : 350000francs. On l’a payé avec nos impôts.Hier, un Jeannot 345 d’occasion (je l’avais vu en vente à 48000Fr) vient s’amarrer. Pour 10 francs la nuit, c’est bon marché. Le marin a réparé sa voile dacron (elle est moins chère que la Mylar mais moins solide) Les amarres fournies par le port sont assez solides pour résister à un orage. L’orage a finalement éclaté à Fribourg provoquant 4 à 500000 francs de dégâts. C’est fou ce que la vie est chère !