En Exclusivité mondiale, interview

En qualité de journaliste promoteur de la jeunesse réactive et membre honoraire de la société pour la sauvegarde des baleines en eau trouble, j’ai eu le grand honneur par l’intermédiaire de la Gazette du port de procéder à l’interview du désormais célèbre marin des Alpes. Bien que croulant sous la chape des honneurs, le marin a accepté d’être tutoyé, je lui en suis gré.

Moi – Quel est ton nom ?
Lui – Gérard D’aboville

Moi – Tu as parcouru 1000 miles sur l’océan soit environ 2000 km, est-ce que c’était long ?
Lui – En fait j’ai fait plus que cela car j’ai fait des ronds dans l’eau… (Rire)

Moi – Quel événement t’a le plus marqué ?
Lui – Ben… Je ne sais pas.

Moi – Suite à cette réponse circonstanciée, nous passons à la question suivante :
Est-ce que la réalité de l’exploit accompli a été identique au fantasme ?
Lui – Non… Si… A certains moments, certains évènements, oui ! Pendant trois fois deux heures mais pour le reste, non ! Je n’ai pas pu profiter de ce que j’imaginais !

Moi – Alors, le plus dur ?
Lui – Le plus dur, c’était le mental, ne pas abandonner, tout cela lié à la fatigue, oui. Mentalement c’était le plus dur.

Moi – Le plus agréable ?
Lui – J’ai eu un peu de soleil (rire) quand le ciel était clair.

Moi – Qu’est-ce qui t’a le plus manqué ?
Lui – Mon pilote (rire)

Moi – Combien te reste-il d’étapes de qualifications ?
Lui – Eh ben, une et demi, je dois valider la dernière avec mon dossier pas encore fini, dossier qui est sensé prouver ce que j’ai réellement fait, et en plus les futures qualifs, 2 cette année et 4 l’année prochaine, donc il reste à peu près 8 étapes…

Moi – Est-ce que les réparations que tu as faites sur ton bateau t’ont satisfait ?
Lui – La question est posée d’une manière à laquelle je ne peux pas répondre car satisfait n’est pas le terme que je peux utiliser.
Moi je dirais qu’elles ont tenu, que je n’ai pas cassé mais elles ne peuvent jamais satisfaire pleinement.

Moi – Quelles sensations a-t on au milieu de la nuit, tout seul sur un bateau tout petit en plein océan ?
Lui – Ca dépend si la nuit est noire ou si elle est claire.

Moi – Si elle est noire ?
Lui – Si elle est noire, c’est dur, t’as aucun repaire, c’est très difficile, très très difficile, tu ne vois pas tes voiles, tu ne vois pas la direction, tu vois ton compas, tu le vois mais c’est très compliqué, avec la fatigue, c’est horrible… Mais par nuit claire, si tu arrives à voir les étoiles, c’est déjà plus facile et plus agréable, avec la lune, c’est encore mieux.

Moi – T’est-t-il arrivé d’avoir peur ?
Lui – Oui, deux fois. Une en voyant arriver un cargo, après le coucher du soleil, je me suis vu dedans ! Une deuxième fois quand j’ai explosé dans le golfe de Gascogne, la nuit noire arrivait, dans la brume sous spi dans de la houle, là j’ai flippé alors j’ai tout affalé pour finir, là, J’ai eu les boules ! (pas de rire)

Moi – Combien de fois as-tu eu envie d’abandonner ?
Lui – Je ne peux pas les compter mais en gros un paquet de fois.

Moi – Comment arrivais-tu à prendre le dessus ?
Lui – Ce n’est pas explicable… Si, oui, peut-être que j’ai pensé à tout ce qui a été fait, aux gens qui m’ont donné un coup de main et puis tu te dis que c’est con d’abandonner alors que ca fait juste mal.

Moi – Maintenant des questions un peu différentes ; après cet exploit, consentiras-tu à encore nous côtoyer, nous qui ne sommes que des petits marins de gouilles ?
Lui – Non ! Je ne pense pas (rire).

Moi – As-tu pensé parfois à ta maman qui t’avait mis au monde dans la douleur il y a déjà pas mal de temps ?
Lui – Euh… Oui, surement parce que c’était son anniversaire juste avant que je passe à l’ile de Ré, C’était bien, j’étais au bord, j’ai pu l’appeler.

Moi – Est-ce que les rames sont autorisées à bord ?
Lui – Il y en a une qui est autorisée. (rire)

Moi – Est-ce que tu l’as utilisée souvent ?
Lui – Non ! Parce que sur le lac ca va bien pour rentrer au port mais quand il y a 200 miles à faire, ce n’est pas imaginable (double rire).

Fin de l’interview.

L’interviewer, peut-être par discrétion a omis de citer celle qui a sans doute été très importante dans cette aventure nonobstant toujours discrète. Dans les pires moments, il est assurément précieux d’être habité par un cœur qui bat pour vous.